Dans le cadre de la transition vers l’économie circulaire, le recyclage des déchets et la réincorporation des matières premières contenues dans ceux-ci dans de nouvelles productions, sont des piliers indispensables. Il s’agit d’un enjeu écologique majeur. Dans un monde où la consommation croissante de ressources naturelles pose la question des limites de la planète, diminuer le volume de déchets et augmenter l’utilisation des matériaux recyclés et valorisés permettra de réduire la pression sur les matières non renouvelables et l’impact de notre production et de notre consommation sur l’environnement.
C’est aussi un enjeu économique et industriel stratégique. Sur un territoire qui dépend essentiellement d’importations pour la plupart des matériaux nécessaires à la production de ses biens matériels, le recyclage est un levier d’indépendance, de préservation de valeur, donc d’activité et d’emplois. Pour les entreprises, le recyclage représente un levier de compétitivité en ce qu’il conduit à réduire leurs coûts de traitement des déchets.
Au-delà de ça, la structuration de filières de recyclage et de valorisation des déchets représente plus largement une véritable opportunité de développement pour de nombreux acteurs économiques sur les différents maillons de la chaîne de valeur des filières de recyclage des différents matériaux (collecte, démantèlement, tri, préparation, transformation, mise en œuvre des matières issues de déchets…). D’autre part, dans un contexte de renchérissement et de raréfaction des matières premières et de volatilité des cours, le recyclage contribue à renforcer l’indépendance nationale en ce qui concerne l’approvisionnement en matières premières.
Cet avis d’expertise est issu d’une étude réalisée dans le cadre de l’animation de la Stratégie Régionale d’Innovation sur la thématique « Matériaux et Procédés pour l’Aéronautique et les Industries de pointe », ainsi que dans le cadre du Plan Régional d’Actions pour l’Économie Circulaire (PRAEC), plan opérationnel d’actions et de mise en œuvre du Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets.
Focus sur le recyclage et la valorisation des Composites à Matrice Organique (CMO) fibres de carbone et les Piles & Accumulateurs
La filière CMO fibres de carbone
La filière de valorisation des composites renforcés avec de la fibre de carbone est structurante dans la région Occitanie. En effet, le gisement de CMO à recycler va augmenter fortement avec l’arrivée en fin de vie des avions actuels, contenant une part importante de composites à fibres de carbone. D’autre part, les marchés applicatifs potentiels des fibres de carbone recyclées sont variés (automobile, ferroviaire, nautisme, sports & loisirs, bâtiment, aéronautique…).
Enfin, la région dispose de vrais atouts avec la présence d’acteurs industriels clés de cette chaîne de recyclage (démantèlement d’avions, technologies innovantes de recyclage) dont les entreprises TARMAC Aerosave, Alpha Recyclage Composites et Extracthive notamment, et de compétences R&D reconnues. Il n’existe cependant aucune filière structurée actuellement mobilisant de façon coordonnée les acteurs de l’amont (fournisseurs de fibres de carbone recyclées) et de l’aval.
” Aujourd’hui, près de 50% des matériaux issus des avions contiennent des fibres de carbone. Notre objectif chez Alpha Recyclage Composites est de recycler ce type de déchets en grand nombre pour pouvoir les réutiliser par la suite. Pour cela, nous avons mis en place un projet d’économie circulaire qui consiste à récupérer les éléments en fin de vie ou les chutes et ratés de fabrication en composite-carbone, de les recycler par un procédé de vapothermolyse, et enfin de recréer des semi-produits à base de fibre de carbone recyclées qui seront réutilisées dans différentes filières comme le ferroviaire, les éoliennes, le nautisme et l’automobile par exemple”. Laura Pech, Directrice Générale, Alpha Recyclage Composites.
Le saviez-vous ?
Le gisement de CMO à fibres de carbone, c’est :
- Aujourd’hui 2000 t/an en France, 10 t/an en Occitanie
- Demain en Occitanie 800 t/an en 2030 et plus de 1500 t/an en 2050
La filière Piles et accumulateurs
L’enjeu de poursuivre la structuration de la filière de valorisation des piles et accumulateurs est fort. En effet, certains des produits issus du recyclage (cobalt notamment) sont des matériaux à très forte valeur, maisavec une fluctuation importante des cours et critiques en termes d’approvisionnement car il n’existe pas de source primaire en Europe, ce qui crée une dépendance forte vis à vis de quelques pays notamment la RDC. Cet enjeu géostratégique est renforcé par le développement très important du marché de la voiture électrique et hybride, qui va augmenter les tensions sur la demande en matériaux utilisés dans les batteries.
Le recyclage des batteries Li-ion permet de valoriser des métaux comme le cobalt et le lithium.
Les marchés de valorisation du cobalt sont déjà existants, car il est réintroduit sur le marché mondial au même titre que le cobalt issu de l’extraction primaire. Bien que l’usage principal de cobalt actuellement soit l’utilisation dans les batteries Li-ion (plus de 50%), il peut être utilisé dans les superalliages (20%), en tant que pigments pour les peintures (7%) ou dans les aimants (7%). Le développement de la voiture hybride et de la voiture électrique, et donc l’usage de batteries Li-ion, fait craindre des ruptures d’approvisionnement de cobalt à l’échelle mondiale. Au-delà des difficultés d’approvisionnement, les conditions d’extraction primaire du cobalt sont difficiles, peu respectueuses des droits humains et impactantes pour l’environnement..
Concernant le lithium, l’usage principal est l’utilisation dans les batteries Li-ion (40%) et dans les verres et céramiques (30%). Le lithium peut aussi être utilisé dans les graisses lubrifiantes, les poudres métalliques, mais de manière plus anecdotique. Bien que le développement de l’usage des batteries pousse la consommation de lithium à la hausse, les réserves en lithium sont plus importantes que pour le cobalt et les coûts d’extraction primaires sont plus faibles que ceux de l’extraction depuis la mine urbaine. La problématique d’approvisionnement est donc moins critique sur le lithium et sa valorisation moins développée.
La région Occitanie dispose de vraies compétences, industrielles comme académiques, dans le recyclage des piles et accumulateurs, avec des acteurs clés et reconnus dont SNAM, LGC et CEA.
Chiffres clés
- 124 000 tonnes /an de cobalt produits mondialement
Un marché de la voiture électrique en croissance de plus de 70% ce qui représente un gisement futur important de batteries à recycler - Plusieurs applications potentielles pour le cobalt issu du recyclage : batteries, superalliages, pigments
188g/hab de piles et accumulateurs collectés en Occitanie (moyenne nationale : 209 g/hab)
Quelles perspectives en Occitanie ?
Pour la filière CMO à fibres de carbone, l’ambition est de favoriser le développement de projets de démonstration industrialisables visant à fabriquer des produits finis incluant des fibres de carbone recyclées (remises en forme ou non).
Pour la filière piles et accumulateurs, l’ambition est d’augmenter la valeur des coproduits issus du process de recyclage des piles et accumulateurs en assurant leur mise en oeuvre directe dans les process des utilisateurs finaux (batterie, superalliages, pigments…), dans une logique d’économie circulaire sur le territoire national.
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